vendredi 12 novembre 2010

Pas loin de la frontière...

Koch-Agach
Situé en pleine zone frontalière, ce chef-lieu de district (l'équivalent du département en France) est le seul endroit qui me soit accessible sans laissez-passer.



Au beau milieu d'une steppe à 1600 mètres d'altitude, il fait soleil quasiment toute l'année. Les montagnes au loin sont couvertes de neiges éternelles. Le blanc de la neige, le bleu du ciel et le jaune des herbes sèches se marient plutôt élégamment pendant la journée, à la faveur d'un silence pesant. La nuit n'est pas plus bruyante, mais le ciel est tellement noir qu'on a l'impression de pouvoir toucher les étoiles...




C'est aussi dans cette steppe que les Kazakhs émigrés en Altaï élèvent chameaux et yacks.

Matin frisquet et patte de loup



Oh, il ne fait que -17°C à Oulagan...Et on ne va pas se plaindre, il fait un temps magnifique à 7h du matin !



Ma première empreinte de loup ! Il n'est pas passé loin, alors que nous cueillions des argousiers gelés !

En route pour Oulagan

Sur la route pour Oulagan, nous croisons la rivière Katoun'. Elle a déjà bien serpenté entre les montagnes, depuis sa source sur les flancs du massif du Mont Béloukha. Rejoignant quelques centaines de kilomètres plus loin la rivière Bya, elle deviendra l'Ob', l'un des grands fleuves sibériens.



Ak-Bom, la falaise blanche. Un bon projet en libre...avis aux amateurs !

Nijniaia-Talda


Vue du village cet été. Je n'ai pas pris de photos du village lors de mon passage le mois dernier à l'occasion du mariage. Mais en deux photos, il est possible de deviner que nous nous trouvons au cœur d'une charmante vallée, avec au fond une sympathique et fraîche rivière. Bon nombre d'habitants usent de l'eau de la rivière comme eau de boisson.
La plupart des villages de l'Altaï sont situés à proximité d'un cours d'eau ou d'une source, et bien que l'on rencontre parfois une borne au détour d'une maison, la principale source d'alimentation reste la rivière. Même si l'eau en paraît propre, la fâcheuse habitude en Russie de déposer ses ordures un peu partout, ainsi que la présence de bétail en amont du village laissent planer un doute quant à son innocuité.

lundi 8 novembre 2010

La vie de village en village

Bien que les dernières semaines fussent riches en aventures, l'inspiration pour l’écriture n'est pas au mieux de sa forme. Je vais tout de même tenter de vous narrer les événements survenus au cours de mon escapade dans les villages éloignés.
Tout d'abord, où me trouvais-je ?
Je suis parti pour assister à un mariage dans le village de Nijniaia-Talda, situé un petit peu avant le village d’Ongoudaï, le long de la M52, la route qui traverse l’Altaï en direction de la Mongolie (mais tout ça, vous le savez déjà bien entendu !). J’ai donc été invité aux festivités, et comme « il n’y a pas dans la vie des Altaïens de cérémonie plus importante que celle du mariage », j’ai bien sûr été très content !
Le mariage a duré deux jours : le premier chez les parents du futur époux, le second chez les parents de la mariée.
La veille du premier jour, j’ai assisté à l’abattage et au découpage d’un mouton, ai participé à la confection et à la cuisson de divers saucissons, de quartiers de viande de cheval et de mouton (je suis malheureusement arrivé trop tard pour assister à la mise à mort de l’animal, Je sais, c’est un peu bizarre d’écrire ça, mais étant donné que personne ne fait rien au hasard au cours d’une telle journée, c’est important du point de vue ethnographique !).
Le déroulement du premier jour est somme toute assez classique et peut ressembler à un mariage comme on en voit chez nous : passage à la mairie, puis retour chez les parents du marié pour festoyer dans le jardin où l’on a monté tables et bancs. Quelques moments sont toutefois très importants dans la cérémonie, comme la recherche, la coupe et l’installation de deux jeunes bouleaux à l’entrée de la maison, la réunion des femmes (donc des personnes extérieures au clan, des alliées) qui s’en vont chercher à pied et en chantant la jeune mariée chez le frère de la mère du marié où elle a été habillée, parfumée, coiffée (la coiffure joue un rôle très important dans la tradition et cet instant ou la coiffure de la mariée change est porteur d’une grande signification), le moment où les parents (au sens le plus large du terme) du côté du marié ceinturent les parents (idem) du côté de la mariée d’un bout de tissu. Ces ceintures symbolisent l’alliance, peut-être est-ce également en lien avec l’idée de réplétion (avoir le ventre plein est très important dans la culture altaïenne également et de nombreux proverbes y font référence). J’ai donc eu droit, en tant qu’hôte, à un long morceau de tissu, symbolisant mon entrée dans la famille, et dont je vais pouvoir faire ce que je veux, par exemple un manteau, ou autre, selon les conseils de la mère du marié.
Le lendemain se déroule la cérémonie du « Bilguintchek ». Ce mot désigne les hanches chez la jument, chez la brebis. C’est donc avec cette partie de l’animal que nous sommes partis chez les parents de la mariée. Ce jour-ci, plus rien de commun avec ce que nous avons l’habitude de voir en France : les rôles de chacun sont importants, les mots échangés sont lourds de significations, les gestes sont mesurés, précis, nous sommes là pour « acheter » la mariée et son trousseau. Il serait trop long de rentrer dans les détails, mais je peux dire que c’est un beau moment rempli d’émotion : quand nous entrons dans la maison, les frères de la mère du marié vont offrir du lait, puis de l’alcool de lait aux femmes des hommes du côté de la mariée (donc les alliées). Puis ils découpent des morceaux de viande de cette fameuse partie et les leur offrent. Pendant ce temps, les femmes (sœurs et femmes des hommes du côté du marié) chantent dans le couloir. Un moment vraiment très fort !
Puis comme la veille, nous nous dirigeons vers les tables situées dans le jardin où l’on nous servira à manger. Comme la veille, on nous ceinture la taille d’un morceau de tissu. Puis nous passons à l’achat du trousseau. Pour cela, les hommes et les femmes du côté du marié doivent chanter, danser, jouer des rôles à la demande de la famille de la mariée. Un bon moment de rigolade, qui ne peut malheureusement pas durer, du fait de la quantité de meubles et objets, et de la quantité de jour disponible ! C’est l’automne, le camion est donc chargé en vitesse, mais non sans plaisir !
Après cette escapade au centre de la République, je suis parti plus loin en direction de la Mongolie, à Oulagan (je ne suis pas sûr, mais c’est à peu près à 1100m d’altitude). Mon contact : un chanteur d’épopée. Son frère m’avait proposé de venir les aider à construire une maison dans la forêt, tout en vivant des produits de la chasse. Pas de problème ! Je suis donc arrivé chez ce chanteur, mais point de taïga : le tracteur est en panne, la voiture tourne sur deux pattes…heureusement, le travail avec le bétail ne manque pas !
C’est donc parti pour 10 jours de travail consistant à rechercher chaque matin le troupeau qui s’éparpille pendant la nuit, à compter le nombre de têtes (les voleurs sévissent !), à guider les vaches en direction de la « stayanka » (l’étable), à réparer et à nettoyer ce lieu…
Toutefois, on ne se presse pas, et si nous nous levons tôt, c’est uniquement pour profiter de la fraîcheur du jour (-17° !) et pour nous coucher tôt. Mon chanteur me réveille tous les matins au son de son instrument, chante au petit-déjeuner, me pousse à me casser la voix lorsque nous sommes en voiture et le soir, je fabrique mon instrument selon ses conseils.
Parallèlement, j’ai profité de mon passage dans ce chef-lieu de district pour participer au recensement de la population, d’une très grande importance pour ma recherche, du point de vue du sentiment national. J’ai également été recensé !
Puis je suis parti quelques jours au bout de la route, à Koch-Agach, village situé dans une steppe à 1700 mètres d’altitude. Une cinquantaine de kilomètres plus loin se trouve la frontière mongole. Pas question de m’en approcher, zone frontalière, et si je me fait attraper sans laissez-passer (dont j’ai fait la demande mais dont l’établissement nécessite deux mois), je suis expulsé de Russie manu-militari. J’ai pu observer, lors de ma requête, qu’il valait mieux ne pas plaisanter avec les services aux frontières…
En tous cas, ici, le paysage est superbe : c’est l’endroit le plus ensoleillé de Sibérie, même si les températures hivernales descendent jusqu’à -60°C. C’est tout plat, tout jaune d’herbes sèches, et c’est entouré à 360° de sommets blancs culminant entre 3000 et 4000m. Le ciel est d’un bleu pur, l’air que l’on respire ne l’est pas moins, et la nuit, on peut (presque) toucher les étoiles ! Quel sentiment de petitesse dans cette immensité !
Au bazar, où je suis allé acheter des vêtements pour le froid (au passage, je m’habille en doudoune treillis maintenant, alors on n’est plus là pour rigoler !), j’ai vu mes premières plaques d’immatriculation mongoles et j’ai été invité à passer la frontière avec ces « taxis ». J’ai passé là-bas quelques jours au cours desquels mes investigations n’ont pas donné les résultats escomptés, mais j’ai noué des contacts et même pu aider un français à passer clandestinement la frontière.
Non, ne blêmissez pas, je plaisante, il était simplement en retard avec son visa, on a essayé de résoudre le problème, j’espère que tout va bien pour lui aujourd’hui en Mongolie. Koch-Agach s’attend donc à mon retour.
Rentré mardi soir à Gorno-Altaïsk, après une nuit à Oulagan et une nuit chez ma « famille » à Ongoudaï, je suis reparti derechef mercredi matin pour 5 jours de trek avec le « club de tourisme » de l’Université. Je rentre à l’instant, je vous en donne les détails très prochainement.