samedi 3 décembre 2011

Une semaine de randonnée aux lacs Shavlin

Fatigué par la vie dans la communauté russophone, j’ai décidé de m’exiler quelques jours dans la montagne pour me ressourcer, retrouver des forces, penser dans ma langue natale.
L’envie de faire un peu de randonnée, de me retrouver seul et de m’approcher des hauts sommets m’a orientée vers ces lacs que l’on disait majestueux, présentés comme les perles de l’Altaï.
Quelques rencontres avec des accompagnateurs de moyenne montagne m’ont rassuré sur la difficulté de l’entreprise, et c’est confiant, le cœur léger, le sac à dos pesant et les pieds bien dans mes bottes que je me suis lancé dans l’aventure.
3 jours de marche sur un sentier soi-disant fréquenté, un jour de repos, deux jours pour effectuer le retour, voila le plan que je m’étais fixé. Bien entendu, c’est sans compter sur les aléas qui ne manquent pas de survenir dans un pays tel que la Russie !
Premier jour : je quitte Oulagan en taxi à 5h30 du matin. 50km plus loin, j’attends sous la pluie l’ouverture des magasins pour acheter le plus indispensable des ustensiles : une casserole. Une fois mon assurance-repas dans le sac, c’est parti ! Le ciel est gris, bas, il pleuvine, mais qu’à cela ne tienne, je suis motivé !
Je manque de me perdre après les trois premiers kilomètres. La carte au 1/250 000 n’est pas le meilleur des guides !
Je m’engage donc sur un chemin aléatoire, qui me semble pourtant le meilleur, sans savoir où cela va me mener. Après quelques heures, seul dans la forêt, je commence à me demander si c’était une bonne idée que ça que de partir ainsi…
La forêt est sombre, le temps ne s’améliore guère, je commence à fatiguer, c’est silencieux et après tout, il y a des ours et des loups dans le coin !
L’heure du dépérissement fatal approche, et soudain, un groupe de touristes ! Je suis donc sur la bonne piste ! Quelle revigorante rencontre ! Je profite de l’arrêt pour me sustenter en leur compagnie.
Quelque temps plus tard, je rencontre un jeune homme, seul lui aussi, qui vient régulièrement de Novossibirsk faire cette randonnée, et passer quelques jours au bord du lac. Comme la fin du jour pointe son nez, je décide de m’arrêter pour la nuit avant de franchir les six kilomètres d’un plateau d’altitude. Je suis également éreinté par la montée avec mon gros sac, je me demande si après tout je n’ai pas prévu trop de nourriture...
Le lendemain matin, réveillé tôt après une nuit glaciale (je me demande encore si j’ai dormi tant il faisait froid et humide…), mais rempli d’optimisme, je pense atteindre les lacs en fin de journée. Hélas, le mal de dos, le mal de tête, la fatigue de la veille et de la nuit trop courte et surtout un début de suppuration de ma jambe freinent mes ambitions. Je fais des pauses et m’endors deux fois sur le trajet. Qui plus est, aujourd’hui, pas âme qui vive à l’horizon. Heureusement, pas d’ours non plus. Mais l’angoisse se fait à nouveau sentir. Suis-je sur le bon chemin ?
En fin d’après-midi, la solitude me gagne, je n’ai pas réussi à manger, je suis faible et mes douleurs me poussent à renoncer. Je m’appuie contre un mélèze, désespéré. C’est la fin. Je suis exténué et je commence à avoir peur de cette jambe qui enfle et jaunit, sans savoir quelle peut être l’origine de cette gangrène bizarre, ni quoi faire. Par une curiosité inexpliquée, je me retourne et vois un vieux monsieur qui me fait signe. Après tous ces efforts, c’est à peine croyable et inattendu ! Je m’approche, nous faisons connaissance, il est moscovite et seul lui aussi, sur le chemin du retour. Il m’invite à m’installer pour la nuit dans son camp, à me reposer, à dormir tard et à ne repartir que le lendemain matin, frais et dispo. Il me prépare une kacha, une bouillie, mais je n’arrive toujours pas à manger, je suis trop fatigué.
Troisième jour : nous nous faisons nos adieux mutuels. Je suis reposé, d’humeur joviale et motivée, cela contraste avec la veille. Si je ne parviens pas aux lacs dans cet état, c’est que décidément ce lieu est hors d’atteinte au commun des mortels. En outre, je croise tellement de personnes sur ma route qu’il est à peine croyable que j’aie pu être seul toute la journée de la veille. Il y a des groupes de touristes partout ! Le paysage continue à être époustouflant, je longe une rivière couleur d’émeraude, le temps est au beau fixe, aucun rapport avec les deux jours précédents.
J’avance doucement à cause de ma jambe, n’hésite pas à faire des pauses et à boire, et c’est ainsi qu’après un doux cheminement j’arrive enfin aux lacs tant recommandés.
Là-bas, je m’installe à côté d’un groupe de touristes dans une clairière appelée « la clairière des idoles », en référence aux sculptures qui la cernent.
Les touristes sont moscovites et se promènent à cheval avec leur guide altaïen. Coup de chance, ils ont une pharmacie du tonnerre et me prodiguent quelques soins et conseils pour soigner ma jambe. C’est notre premier soir à tous, et au coucher de soleil, nous tombons tous dans une espèce de béatitude face à ces lacs. Devant tant de beauté, après les événements des jours précédents, c’est comme si j’étais empreint d’un calme reposant, je sens que je me ressource face aux sommets, aux falaises, aux séracs qui nous dominent de plusieurs centaines de mètres, enneigés depuis l’éternité, leurs faces rocheuses invitant à l’escalade me font tourner la tête, mais de plaisir cette fois (poésie, quand tu nous tiens !).
Quatrième jour : une bonne nuit de sommeil et un bon repas russe consistant, il n’y a pas photo, ça recharge les batteries. J’hésite toutefois à poursuivre le chemin jusqu’aux lacs supérieurs. Mais après le départ de mes voisins, je me lance dans l’aventure, tranquillement. J’arrive rapidement au pied des glaciers et passe la journée au soleil, c’est reposant.
Cinquième jour : départ à cheval. Malheureusement, la chevauchée est de courte durée et se termine de manière peu agréable. C’est le risque, lorsque l’on est seul et dans un pays « inconnu ». Prenons-cette expérience comme une initiation en quelque sorte…
Je me greffe ensuite à un groupe de touristes venus de Novossibirsk. Nous ferons route ensemble pendant les deux jours que durera notre retour. Le soir, nous préparons au choix du sarrasin, une soupe de pâtes, du riz…et nous nous racontons nos aventures au coin du feu en sirotant quelques gorgées de cognac, le remède miracle à tous les maux.
Sixième jour : au matin je retrouve mes voisins de clairière qui arrivent à cheval. Je croyais pourtant qu’ils nous avaient devancés depuis longtemps, mais il n’en est rien ! Ils me cherchaient. Leur guide, auquel j’avais offert ma lampe frontale, me cherchait ! Il tient à m’offrir quelque chose. J’accepte donc avec un mélange de joie et de modestie face à ce fabuleux présent, une dent de ce tout petit renne que l’on nomme « kabarga ». Celui qui ressemble plus à un dahut qu’a un renne doté de puissants bois se rattrape en possédant une paire de canines acérées qui le rendent aussi féroce qu’un tigre. En apparence seulement, car notre animal est herbivore. Je ne parvenais pas à me souvenir où j’aurais bien avoir pu croiser cet étrange bête. Après plusieurs heures de tergiversation, je me rendais à l’évidence : notre kabarga était la réplique exacte et vivante du petit rongeur du film « L’âge de glace » !
Nous sommes dit adieu une seconde fois et avons repris notre route, chacun de notre côté. Aujourd’hui, le plateau nous attend. Quelques petites averses n’entravent en rien notre progression, le soleil est toujours au rendez-vous. Nous décidons de faire halte une dernière fois, afin que le lendemain nous puissions tous partir de bonne heure, qui en bus, qui en stop. Nous prenons ensemble notre dernier repas, passons notre dernière veillée au coin du feu.
Cette dernière matinée de séparation, le ciel semble avoir compris que nous avions passé ensemble de bons moments et se met à pleurer pour nous.
Ainsi prennent fin les belles escapades, et aux yeux et au cœur de l’observateur attentif, de celui qui a su prendre sans profiter, l’Altaï semble s’ouvrir, vibrer sur le même ton que lui, présenter son climat, sa nature, ses couleurs en adéquation avec les humeurs de l’homme de passage. Aux personnes qui souhaiteraient en savoir plus sur les randonnées à faire dans l’Altaï, écrivez-moi, je peux vous indiquer quelques lieux intéressants.

mercredi 27 juillet 2011

Informations administratives

Pour rejoindre la Russie, vous avez besoin d’une invitation. Je ne vais pas répéter ce que tous les sites de voyages conseillent de faire pour organiser votre entrée dans le pays.
Voyons plutôt ce qui est nécessaire pour la République d’Altaï.
Tout d’abord, vous avez besoin de vous enregistrer une fois en Russie, si vous restez plus de trois jours ouvrables dans un même endroit (on a donc droit à un maximum de 5 jours sans enregistrement si l’on compte le week-end). Formalité obligatoire, un document est remis à l’entrée dans le pays, récupéré à la sortie, et l’on est amendé s’il n’est pas rempli. Alors à moins d’avoir tous les billets et tickets justifiant de déplacements constants et que l’on a passé moins de 3 jours dans un même lieu, ainsi que de temps pour discuter avec les agents préposés aux frontières avant l'envol de son avion, il est préférable de s’attarder quelques heures sur cette formalité.
Mais il est possible de venir en République d’Altaï et de s’enregistrer directement ici si l’on prend le train à Moscou moins de 3 jours après son arrivée…
ATTENTION, quelques bonnes choses à savoir :
L’Altaï est une République, donc bénéficie de plus ou moins d’indépendance vis-à-vis de la Russie.
A Gorno-Altaïsk, il faut se rendre au bureau de l’immigration, rue Kommunisticheskaya, arrêt de bus Jilmassiv.
Trouvez une personne qui puisse témoigner de votre hébergement pour la durée de votre séjour. En vous connectant sur le site couchsurfing, vous devriez rencontrer des personnes parlant anglais et susceptibles de vous aider. Les hôtels de la ville peuvent vous enregistrer, mais uniquement pour la nuit, cela peut être problématique si vous êtes contrôlé quelques jours plus tard à 300 km de l’hôtel…

ATTENTION ZONE FRONTALIÈRE
Ah, le Bélukha, le Shambala, le Biélovodié, ces noms de montagnes et de lieux mythiques qui font rêver, les explorateurs mystiques tels que Nicolas Roerich, etc…tout cela se trouve dans la zone frontalière, accessible pour les étrangers (et les russes) uniquement avec un LAISSER-PASSER.
Donc pour se déplacer dans les raion de Ust-Koksa (frontière kazakhe et chinoise) et de Kosh-Agash (frontière mongole) au sud, vous devez faire la demande de ce document auprès du FSB d’Aktash ou de Sougash DEUX MOIS EN AVANCE.
La demande peut être effectuée par internet, votre laisser-passer vous attendra au poste situé sur votre trajet.
CE LAISSER-PASSER EST IMPORTANT, VOUS POUVEZ ÊTRE SÉRIEUSEMENT AMENDE ET EXPULSE DE RUSSIE SI VOUS ÊTES CONTRÔLE SANS.

L’adresse du site à partir duquel télécharger les documents :
http://mountainaltai.ru/forum/viewtopic.php?id=179

Remplissez-les, n’oubliez pas de les signer, puis envoyez-les par internet à l’adresse :
pugornyjaltaj@mail.ru

Voici l’adresse du FSB d’Aktash :
Пограничное управление ФСБ России по Республике Алтай - 649743 Республика Алтай, Улаганский район, с. Акташ, улица Парковая, 32, войсковая часть 2080, тел.8(388) 462-35-55, 8(388) 462-37-552-36-54.
Je ne connais pas ces numéros, vous pouvez également téléphoner au 8(388) 462-36-54, puis lorsque cela décroche, taper 5115 et demander à parler à quelqu’un en anglais.

Keuk-Beuru

Quel nom étrange pour ce jeu que l’on retrouve chez tous les peuples turcs d’Asie Centrale.
Littéralement « loup bleu » (mais tout le monde sait qu’un loup bleu, ça n’existe pas, donc comprenons plutôt « loup gris-argenté »), ce jeu se joue à 22 cavaliers.
Deux équipes de 11 cavaliers dont 6 se relaient constamment sur le terrain, se disputent une chèvre décapitée, qu’ils doivent soulever de terre puis jeter dans une urne à l’extrémité du terrain.



D’abord déconcertant, le jeu se montre rapidement sous une autre facette, celle de la synergie entre le cavalier et sa monture.
Si on est choqué au début par l’acharnement avec lequel les destriers sont cravachés, on remarque vite que ce ne sont pas les plus rachitiques des hommes qui prennent part au jeu, bien au contraire. Toute une stratégie d’équipe est employée pour permettre à l’un des membres d’échapper à la mêlée, de se pencher jusqu’à terre pour ramasser le poids de 30 kilos et ensuite filer au bout du terrain de jeu. Tout au long du trajet l’équipe adverse tente d’arracher la chèvre des mains de son propriétaire, essaie d’influer sur la trajectoire de son cheval, de l’accoler aux limites du terrain afin de le mettre en touche. Les coéquipiers font de leur mieux pour l’encadrer et le soustraire à cette menace !



On ne s’approche pas du terrain, puisque les chevaux sont puissants et filent à toute allure. La dispute est sérieuse, les gains sont gros : on raconte que les équipes parties à l’étranger sont revenues victorieuses et que leurs membres ont gagné des appartements et des voitures.



Jeu des héros, des preux chevaliers, on retrouve le monde des légendes et des épopées lors de la remise des prix : habillés en costumes rappelant les guerriers nomades d’autrefois, les cavaliers posent fièrement sur leurs montures.

vendredi 1 juillet 2011

Passage au lac Teletskoie

Aude souhaite rendre visite à l’Altaï avant son départ définitif pour la France. Malheureusement, les festivités sont terminées. Pas de problème, les activités ne manquent pas : nous partons donc pour le lac Télétskoié.
Je retrouve là-bas mon hôte le sous-colonel Nikolaevitch qui m’avait hébergé en automne, et qui nous propose comme à son habitude de profiter du bania et de « paritsia », en français commun, "se faire chauffer la couenne un bon coup dans le bania avant de se faire fouetter par un (ou une) compatriote au moyen d’un bouquet de branches de bouleau trempés préalablement dans l’eau bouillante" (la langue russe est si imagée!). Frissons garantis, brûlures au rendez-vous, épuisement total au final. Mais c’est tellement typique !
Et puis siroter une bière bien fraîche ou boire un thé sous la lune après ces émotions, le tout dans un cadre si agréable, au calme, le lac comme toile de fond, l’odeur de la fumée du bois de cèdre qui s’échappe des poêles et embaume le village de pêcheurs, le corps aussi vaporeux que l'air ambiant, la tête lourde de chaleur, c’est un plaisir encore trop rare en France.

vendredi 27 mai 2011

Retour en Altaï

Après d'angoissantes minutes à l'aéroport de Moscou, je me suis enfin envolé pour la Sibérie.
Novossibirsk : non loin de la ville la plus importante de Sibérie se trouve un campus, non moins important, Akademgorodok. Pensée à l'époque soviétique pour accueillir les plus éminents cerveaux de Sibérie, cette ville dans la forêt a bénéficié des délocalisations d'entreprises lors de la seconde guerre mondiale.
Non loin se trouve la "mer". C'est un immense lac de barrage sur le cours de l'Ob. En compagnie de ma collègue Marine, de ses ami(e)s, nous avons passé d'agréables soirées à faire griller des saucisses en regardant les interminables couchers de soleil sibériens. Ce fut une étape reposante pour moi, car les vols de nuit et le décalage horaire m'avaient plus fatigué que ce à quoi je m'attendais.
Mais comme rien n'est éternel, surtout pas le repos, il a vite été temps de se remettre en route pour les montagnes du Sud.
Et revoilà l'Altaï, comme je ne l'ai jamais vu : verts. La nature est luxuriante. En un mois, tout a littéralement explosé: les fleurs sont énormes, magnifiques, et innombrables. Les arbres et les prés sont verdoyants, je n'arrive pas à croire que ce que je prenais pour un pays "jaune" et sec puisse à se point se métamorphoser: il y a des centaines de verts différents, j'ai l'impression d'être en Suisse sur le plateau de la Givrine. L'air est empli de senteurs printanières, et puisque le temps est à l'orage, pas de cette poussière qui hante habituellement les rues des villes russes en été. On sent toutefois que les fortes chaleurs sont proches, c'est signe qu'il va être temps de migrer vers les hauteurs de l'Altaï.



La mer à Akademgorodok : source d'inspiration pour les gouaches de Marine




La mer toujours, terrain de jeu des enfants pas frileux



Ça ne se voit pas bien sur l'image, mais j'ai essayé d'apprivoiser un mammouth...hébergé à l'Université d'anthropologie d'Akamdemgorodok (il te passe d'ailleurs le bonjour, Yann !)



Session "Russie éternelle" :

La vendeuse de kvas cachée derrière son comptoir



La paire de gants pas chers sur fond de verdure altaïenne




Aïdyn posant devant son bania, dans lequel j'ai eu l'honneur d'être la deuxième personne à me laver

lundi 25 avril 2011

Présentation du voyage et de la région

Bonjour à tous mes lecteurs.

Revenu prématurément de l'Altaï, je suis en France pour un mois.
Je vous propose de venir me rencontrer afin que nous discutions de la Russie, de la région où j'ai vécu, de sa population. A cette occasion, il sera possible de voir quelques photographies et d'écouter quelques extraits de musique locale.
Bienvenue à vous le lundi 2 mai à 20h à la salle du Môle à Fillinges (si j'ai bien compris, c'est derrière l'église...).

Clément

samedi 26 mars 2011

Jylgayak !

Jeudi dernier, départ en trombe en début de soirée pour se rendre au village de Chargaïta, dans lequel doit se dérouler le lendemain matin la cérémonie de Jylgayak, le nouvel an altaïen (un de plus !), également perçu comme l’accueil du printemps.
Malgré le numéro de téléphone et l’adresse de nombreuses personnes, j’arrive dans le village en pleine nuit, le taxi refuse d’attendre les explications téléphoniques de mes hôtes, et je me retrouve seul dans l’obscurité. Ici, pas de lampadaire pour éclairer une potentielle route.
Je m’oriente vers les maisons encore allumées pour y demander mon chemin. Arrivant près de l’une d’elles, je cherche tout d’abord le portail d’entrée, mais soudain, la lumière s’éteint. Pas de temps à perdre, je franchis la clôture, et avançant à l’affut des potentiels chiens de garde, je me dirige vers la porte de l’izbouchka (la petite izba).
Je toque. « Qui est-ce ? » en altaïen.
« C’est Clément, le français » réponds-je, afin de susciter la curiosité, ou tout du moins d’effacer toute crainte.
Ouvre alors un homme de petite taille, qui me lorgne avant de m’inviter à entrer. Je remarque tout de suite qu’il porte un kêdêguê, la fine tresse traditionnelle des hommes qui part du sommet du crâne, ornée à son extrémité de deux cauris. Il porte également une boucle d’oreille, et la seule personne que j’aie vu jusqu’à maintenant en porter une était un chamane.
Je lui demande son aide pour m’orienter, explique la raison de ma venue dans le village. Il me dit alors qu’il est chamane, également zaïsan, c'est-à-dire représentant élu du village. Cela signifie qu’il est considéré comme un ancien respectable connaisseur des traditions.
C’est lui qui conduira la cérémonie du lendemain, qui se déroulera non pas au lever du soleil comme le voudrait la tradition, mais en fin de matinée, car des personnes venant des autres villages du district seront là pour l’observer et apprendre de lui les gestes à effectuer.

Il me propose alors de dormir chez lui. Comment refuser cette invitation du chamane ?

Le lendemain matin, nous parcourons le village en tous sens pour préparer le lieu de la fête. Trois moutons ont été abattus (selon la méthode turque : une incision est pratiqué dans l’abdomen, on y glisse la main et l’artère principale partant du cœur est sectionnée, aucune goutte de sang n’est ainsi répandue à terre). Dans le hall de la mairie, les fils du chamane les découpent en vue de la cuisson.
Nous montons les tables, décorons le stade. Les invités et le public arrive, et la cérémonie commence. Comme décrit dans un précédent billet du blog, des libations et des offrandes au feu sont faites.

Le chamane devant le feu au moment des offrandes


Puis les enfants réunis autour d'un tas de neige se mettent à le frapper avec des verges, on intime à l'hiver de partir. Un cavalier blanc détruit ensuite le tas, et les enfants prennent congé de lui : "A l'année prochaine !"



Le repas est alors servi. Nous nous régalons de "mun" (le bouillon), de "kotcho" (le bouillon dans lequel sont ajoutés des flocons d'avoine), de "boursakh" (petites boules de pâte frite), de viande de mouton bouillie bien entendu, de gâteaux et de thé altaïen (salé, avec du lait et du "talkhan", farine de millet grillé, le remède contre la faim).

Tout le village se dirige ensuite vers la Maison de la Culture, où nous assistons à diverses représentations : chants et danses traditionnels altaïens et russes, discours et vœux des représentants de l'administration, mots des invités, théâtre autour du thème de Tataraskaï, personnage laid, sale et mal élevé en lequel le héros des épopées se transforme pour échapper à ses ennemis. Grimé de la sorte, il parvient à les tromper et à les vaincre.

mardi 22 mars 2011

Fort comme un turc ?

A l’occasion de chaque fête de saison, comme par exemple celle du Tchaga-Baïram, ont lieu les jeux traditionnels altaïens. Ils sont proches des « trois jeux virils » mongols : la lutte, le tir à l’arc, la course de chevaux. Dans la version altaïenne, nous avons :

La course à pied en duo avec son coéquipier sur le dos (tukek tugurush).



La course de relais par équipes (tuguresh).



Le jeu d’adresse au pied (tebek), à la manière de l’aki-sac ou de la plume (pour les connaisseurs) : un morceau de plomb travaillé auquel est attaché un panache de poils de cheval. Nous constatons ici que les professionnels ont le matériel adéquat !



La lutte bien entendu (kuresh), sans crainte du froid !



Le lancer de rondins (toxpox tshibalash).



La hausse de poids (gire keuduresh), combien de levées de ces 40 kg peut effectuer chaque candidat ? (plus de quarante pour le gagnant). Se rencontre également la version keudurge tash, qui est le soulèvement de pierre à hauteur de selle sur un cheval. La légende veut qu’une pierre particulière, régulièrement transporté sur le lieu de la fête, n’ait été pour l’instant soulevée qu’une seule fois.



Le fouet (kamtchi), où l’on doit faire tomber une à une de petites quilles. La précision est de mise.
Tout ceci nous conduirait à penser qu’être altaïen n’est qu’une affaire de force. Au contraire, il faut aussi savoir faire preuve d’ingéniosité, de ruse, d’intelligence : les dames altaïennes (chatra) et les échecs sont ainsi très prisés, toutes générations confondues. On rencontre autour des tables aussi bien des hommes que des femmes, de très jeunes enfants et de très vieilles personnes, celles-là mêmes que l’on retrouvera quelques heures plus tard en train de disputer un concours de bras de fer !





N’oublions pas non plus que si le sérieux est de mise dans ces jeux lorsque ce sont les hommes qui s’opposent, les femmes elles aussi ont leur version de chaque concours, basée sur le rire. Et si une chose retentira tout au long de cette journée de festivités, c’est bien celui des participants ! Malgré la température glaciale, tout le monde est dehors, le sourire aux lèvres, les fous rires agitent le public venu nombreux.
Parallèlement, à l’intérieur du gymnase de l’école se déroule le concours de costumes et de créations artisanales, recensées par village. Lors de la présentation, toutes les générations de chaque village sont représentées, chacune est invitée à dire un petit mot ou à chanter une petite chanson. Un jury vote ensuite pour la présentation la plus élaborée et les vêtements les plus chatoyants. Le raffinement est perçu dans les moindres détails des vêtements, impérativement cousus de fils d’or pour la plupart.

dimanche 13 mars 2011

Sansalar

Cette année, il y a sécession au sein des Altaïens païens habitants la steppe d’Ere-Tchouï, la région de Kosh-Agash : un jeune chamane se propose de conduire la cérémonie religieuse du Tchaga-Baïram dans un autre lieu que celui où elle se déroule habituellement, échappant également de ce fait à la traditionnelle direction d’une chamane âgée.
Malgré la rencontre étrange avec ce jeune neme biler kiji, j’aurais quand même le droit d’assister et de filmer le san, cérémonie destinée à s’assurer la bienveillance de l’esprit de l’Altaï en lui offrant de la nourriture. Cette cérémonie se déroule selon un principe équivalent à celle décrite précédemment chez les bouddhistes : la nourriture est de même facture, également versée sur un foyer, et des libations de lait sont faîtes aux points cardinaux, le tout face à la montagne sacrée.
Rendez-vous est donc pris à 6h du matin le lendemain matin.
L’aube est fraîche dans la steppe de Kosh-Agash (comme les journées, soit dit en passant !) : il ne fait pas loin de -35°C, les quelques personnes présentes au rendez-vous sont des hommes, tous emmitouflés sous de lourdes vestes.
Nous partons en voiture à travers la steppe pour rejoindre le lieu du rituel. A travers la vitre gelée, je devine le soleil qui se lève derrière les montagnes. Il est encore du côté mongol, mais le rougeoiement du ciel indique sa proche présence.
Parvenus au terme de notre périple motorisé, nous sommes assaillis par le silence. Pas de vent, un froid glacial, du blanc à perte de vue et la sensation d’être loin de tout.
Nous entamons le rituel : un cheminement avec trois étapes : la première consiste à attacher des rubans blancs à un arbre. La seconde, à une corde reliant deux arbres. La troisième étape est l’invocation de l’esprit de l’Altaï par le chamane, son nourrissement par le biais du feu et des libations.
Enfin, le chamane reste seul pour renvoyer l’esprit et s’assurer de sa satisfaction. C’est à ce moment qu’il fera usage de son tambour.
Nous regagnons les véhicules, repartons pour Ortolyk où le chamane nous offrira le déjeuner. Chez lui, la table est richement garnie : mets altaïens de toute sorte, mouton bouilli, Araki (la boisson nationale : lait de vache fermenté, délicieux, mais traître : à l’instant du départ, nos jambes ne nous obéissent plus !).

Un petit mot sur la steppe de Kosh-Agash :
Ce n’est pas l’Arctique, mais on s’en rapproche. Ce territoire est considéré, de par les températures qui y règnent, inhabituellement basses pour le sud sibérien, comme faisant partie des zones septentrionales. Ses habitants bénéficient donc à ce titre d’avantages non négligeables au regard du reste de la population de la République (aide à l’achat de bois de chauffe, retraite anticipée, etc…).
Ici, rien ne pousse, l’herbe ne pousse en été que de quelques centimètres, les températures nocturnes étant souvent négatives. Par contre, l’herbe est salée, concentrée en vitamines. La viande de la région est ainsi considérée comme l’une des meilleures de Russie.

vendredi 25 février 2011

Ortolyk

J’ai quitté Gorno-Altaïsk à toute vitesse le vendredi 4 février lorsque j’ai appris qu’à Kosh-Agash se déroulerait sous peu la cérémonie annuelle de Tchaga-Baïram sous la direction d’une chamane. Parti en taxi en fin d’après-midi, je suis arrivé à Ortolyk, petit village situé à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de district tard dans la nuit. Hébergé chez la famille d’une collègue amie, très excité en attente de la cérémonie du surlendemain matin, je m’endors avec difficulté. Dans ce petit village habitent un barde renommé, Oïrot Otoukov, ainsi qu’un jeune chamane récemment entré en fonction. Le lendemain matin, le chef de famille me fait donc faire la tournée de ces neme biler kiji, en altaïen les « personnes qui savent quelque chose », des gens qui possèdent un savoir que les gens simples ne peuvent aborder. La visite chez le barde est furtive, il ne veut pas me parler. Affligé d’un défaut d’élocution, il se montre timide et préfère discuter avec moi en présence d’un autre chanteur réputé, Eles Tadikin. Toutefois, il ne dédaigne pas me montrer son talent de musicien et c’est alors toute la magie de l’Altaï qui s’ouvre à mes oreilles ! Sa timidité et sa mauvaise prononciation disparaissent et laissent place à une présence envoutante, à une voix grave et profonde, à des vers lourds de sens et d’émotion.
Après cet intermède musical, nous prenons congé et la direction de chez le chamane. Courtoisement reçus dans la plus pure tradition altaïenne, notre hôte ne daigne cependant s’adresser qu’à son concitoyen, et de surplus uniquement en altaïen. Je resterai ainsi en dehors de toute la discussion ! Quand je vous disais que les chamanes étaient des personnes atypiques…

Bonne année du lièvre ! (avec un bon mois de retard !)

Revenu à Gorno-Altaïsk mi-janvier, je vous avais livré mes impressions au sortir de la taïga enneigée. Mais après une escale de deux semaines dans la ville, j’étais de nouveau tenté par l’aventure, les rencontres, le froid, l’autostop et j’en passe.
Je voulais en effet assister à au moins l’un des « Tchaga-Baïram », le nouvel an altaïen d’inspiration bouddhiste ayant lieu dans chaque village et dans chaque foyer au moment de la nouvelle lune de février (aux environs du 3 février). J’ai donc tout d’abord aidé les bouddhistes de la capitale à rénover leur Datsan. Recouverte de blanc, de bleu, de rouge, la petite bâtisse devient flamboyante et prend un air de fête. Le mercredi 2 février au soir, j’assiste à la prière des moines, et participe à la fumigation de genièvre et aux offrandes de nourriture faites au(x) feu(x) (un gros foyer posé sur des briques par l’intermédiaire duquel on nourrit les esprits bénéfiques, un autre plus petit et posé à terre destiné aux esprits maléfiques). C’est ainsi que l’on se purifie des événements de l’année qui prend fin.
Le lendemain matin, la cérémonie recommence dès l’aube et ce sont de nouvelles offrandes qui sont faites : aspersions de lait aux quatre points cardinaux, à nouveau de la nourriture mise au feu. Chacun avait apporté un sac dans lequel se trouvaient lait, biscuits, bonbons, pain, fromage, parfois de la vodka, en bref, des aliments « blancs », « purs ». Après cela, tout le monde se retrouve à l’intérieur du Datsan et nous nous échangeons les victuailles. Quelques femmes se mettent à chanter un alkysh, une chanson de bénédiction prononcée lorsque l’émotion est forte. Chacun repartira avec l’impression que la nouvelle année commence bien.

mercredi 26 janvier 2011

La graisse d’ours

Denrée rare, la graisse d’ours, ou plutôt l’huile d’ours est créditée de multiples vertus.
Censée guérir de tous les maux et renforcer les défenses naturelles, elle est consommée par tous, et à chaque fois avec la grimace ! (Pour ceux auxquels cela rappelle de bons souvenirs d’une huile miraculeuse !).



Pur produit de la chasse, qui plus est tirée du plus noble des gibiers, ce n’est pas le premier venu qui s’essaiera à la transformation du gras en huile.
Mais ne me demandez pas le processus de fabrication, cela reste un secret jalousement gardé. L’huile ne quitte le village que pour accompagner un membre de la famille venu pour les vacances. Autant dire que cette boisson (!) est plus précieuse qu’une fourrure de zibeline !

Le poêle russe

Toutes les maisons individuelles en Russie possèdent un poêle. Traditionnellement (si je puis me permettre), celui-ci est en briques réfractaires. Imposant, il est au centre de l’habitation. Les pièces sont organisées autour. On entre dans ces maisons par la cuisine, où il trône. En général la chambre à coucher jouxte cette pièce de vie, puis derrière, par ordre décroissant de température, se trouvent le salon, qui fait également office de chambre des enfants, puis la chambre des invités. Pour correctement répandre la chaleur, les murs sont en bois, et de préférence ne montent pas jusqu’au plafond. L’intimité est de fait restreinte, mais nous ne sommes pas non plus dans un tchoum nenetse (tipi). J’ai passé quelques jours dans une maison où les murs étaient en brique et ai pu constater la différence de température !



Chez mes hôtes de Suranach, le poêle faisait également office de four à pain (comme on peut le voir sur la photo). Étant arrivés en nombre pour les vacances, les fournées ont été fréquentes, bien que chacune soit constituée d’une douzaine de pains d’un kilo. Ainsi, nous avions souvent du pain frais, et il est de bon ton de ne pas le couper au couteau lorsqu’il est encore chaud. A l’heure du thé, au moment du repas, ou n’importe quand, qu’il est bon de rompre ce pain et de le tremper dans la délicieuse confiture !
Les pots de confitures préparées à partir des baies récoltées en automne font eux aussi plus d’un kilo, et sur la table un plein bol se vide et se remplit en continu. Ici, il est important de manger, on le fait donc à tout moment de la journée, et en grande quantité !
Lorsque c'était jour de fournée, nous avions droit le matin aux lépiochka, galettes frites, ou aux béliachis, beignets à la viande hachée frits eux aussi. Gras, consistants, savoureux, difficile de s'arrêter !

En général, le matin, lors de la première flambée de la journée, on réchauffe la soupe de la veille. Plus tard dans la journée, une nouvelle casserole de soupe est préparée, ou alors on fait des pilminis (raviolis sibériens): on passe des quartiers de viande au hachoir à manivelle (ça fait les bras!), la pâte qui était mise à reposer est roulée en boudins. On les coupe en petits morceaux, qui sont rapidement passés au rouleau à pâtisserie. Puis chacun autour de la table s'apprête à les remplir avec soin d'une bonne fourchette du mélange de viande hachée, de gras et d'oignon. Ensuite, il faut bien entendu refermer le ravioli, ce qui exige un tour de main technique ET esthétique ! Si cela paraît simple et joli à première vue, c'est bien entendu parce que je ne vous montre pas les pilminis que j'ai moi-même fait.



Le résultat est ainsi obtenu possède son quota de calories nécessaires
à la survie par grand froid. Mais le sibérien ne se lassera jamais de répéter : "On ne peut pas ne pas manger de viande en Sibérie !"

Nouvel an dans la taïga

Pour fêter le passage à la nouvelle année, j’ai été invité à me rendre dans un village situé au nord de la République, Suranach. Une vingtaine d’habitants Tchelkanes peuple ce village formé d’une douzaine de maisons. En hiver, un étroit sentier court d'un bout à l'autre du village et relie entre elles ces maisons. Impossible de ne pas l'emprunter, impossible d'éviter une rencontre, impossible de se déplacer à l'insu de tout un chacun. Les yeux sont partout et les langues vont bon train. Ainsi, comme il est visible sur la photo, je bénéficiait d'un excellent poste d'observation sur les allées et venues des habitants depuis la maison de mes hôtes.



L’intérêt de se rendre à Suranach, outre la rencontre avec des représentants des populations de l’Altaï du Nord, réside dans le fait qu’il n’y a pas de route pour s'y rendre. Situé sur le flanc Nord de la rivière Lebed (cygne), ce petit havre de tranquillité est en effet coupé du monde depuis la fin de l’époque soviétique.
Jusqu’en 1991, un hélicoptère parti du chef lieu de district, à 100 km, desservait quotidiennement le village. La nostalgie de ce moyen de transport bon marché et reliant les hommes est on ne peut plus palpable. Car une fois le changement de régime effectué, la vie s’est pratiquement arrêtée : n’étant pas relié au réseau électrique, Suranach tirait son énergie d’un groupe électrogène. Mais le fioul n’étant plus livré, il a fallu se résoudre à vivre sans électricité. 15 ans sont passés, durant lesquels la lumière était fournie par les lampes à pétrole, et suite à la visite d’un politicien en campagne il y a 5 ans, on a pu remettre en route le moteur.
En été et en automne, il est possible de se rendre au village depuis le chef-lieu de district en bateau à moteur en remontant la rivière. L’hiver, un tracteur à chenilles trace une route depuis le dernier village accessible (à 25km) à travers les étangs gelés, la forêt et le mètre cinquante de neige fraîche qui recouvre la végétation. La route prendra fin à deux kilomètres du village, sur la berge de la rivière. Chaque année, le scénario se répète, une question brûle toutes les lèvres : le tracteur franchira-t-il la rivière gelée ? Chaque année, on espère, de jour en jour, voir arriver le tracteur au village, ce qui épargnerait d’atteler les chevaux aux traîneaux pour aller accueillir les visiteurs, chercher les denrées à ramener au "magasin".
Mais au printemps, lors de la débâcle qui dure plus d’un mois, aucune communication avec l’extérieur n’est possible : la rivière charrie d’énormes blocs de glace, les étangs dégèlent, même un cheval ne peut se mouvoir dans la taïga à cette époque. Le paysage qui l’hiver offrait une vue de carte postale se transforme en un véritable bourbier (c’est du moins ce que l’on m’en a dit, mais cela ressemble fortement au reste de la Sibérie au même moment, lorsque les immenses fleuves débordent…).
Suranach donc, où l’on parvient à se rendre, mais dont on ne sait ni quand ni comment le quitter.




Suranach encore, où à ma grande surprise le russe fait office de langue vernaculaire, davantage encore que le tchelkane. Suranach, enfin, où la riche taïga, avec ses ours, ses loups, ses zibelines, commence au bout du jardin, juste derrière la barrière du potager.