mercredi 13 octobre 2010

le paradoxe de l'ours

Après un mois d'absence, me voici enfin de retour avec des nouvelles.
Plus très fraîches du coup, mais j'ai été pris d'une flemmingite aigüe...
Oups, peut-être est-ce quelque chose à cacher sur un site dédié au grand public...
Mille excuses à tous mes fidèles lecteurs désormais dépassionnés. Mais étant sur le départ pour la forêt, il devenait urgent de transmettre quelques informations.
Si la contribution a été moindre, c'est que je vis depuis mon retour d'Irkoutsk dans la ville, et qu'il ne s'y passe pas grand chose d'intéressant, mis à part mes escapades à la recherche des musiciens (infructueuses bien évidemment ! ).
Donc suite à une virée sur les bords du lac Télétskoie (pour ceux qui ne savent pas où cela se trouve, regardez la carte présentée quelques semaines plus tôt) en galante compagnie (pour faire jaser), je transmets une petite réflexion née dans mon cerveau peu fonctionnel.
Après une promenade en bateau sur le lac, nous sommes partis en forêt, malgré les avertissements de notre hôte. Nous y avons fait connaissance avec Larissa, une babouchka sympathique qui ramassait des cônes de cèdre. Elle partait chercher ses vaches perdues. Nous l’avons accompagnée à travers la forêt jusqu’à la tombée de la nuit mais malheureusement, nos recherches ont restées infructueuses. Larissa craignait que quelqu’un lui ait volé ses vaches. Ce cas n’est pas rare, le commerce de viande est en effet en Sibérie du sud une activité lucrative, les bêtes sont parfois abattues et découpées sur place et la viande vendue à plusieurs centaines de kilomètres (sur ce sujet, il existe un très bon article de Charles Stépanoff). Mais c’est au cours de cette balade que le paradoxe de l’ours a pointé le bout de son nez.
S’il est quelque chose dont les habitants des villages aiment parler, c’est bien de ce monde naturel et sauvage qui les entoure. Il devient de fait fascinant d’entendre à quel point l’ours est un sujet de conversation récurrent. Ainsi, il nous est constamment recommandé de ne pas nous éloigner en forêt, n’étant pas « mestnye », du coin, nous pourrions nous perdre, les montagnes se ressemblant toutes. Mais surtout, les ours peuvent être à l’affut à l’orée du bois et nous dévorer…La rencontre avec l’animal est également un sujet récurrent des histoires de chasse. La peur entretenue face au plantigrade est telle que l’on évite de prononcer son nom. On en parle souvent par métaphore.
Mais là où cela devient intéressant, c’est qu’au cours de la promenade en forêt, passablement loin du village et à la nuit tombée, nous avons rencontré une femme seule partie chercher des baies, puis deux femmes également sur le chemin du retour. Nous ne sommes donc jamais très seuls en forêt, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Les régions avoisinant les villages sont un espace nécessaire à la vie des gens : s’y trouvent les champs où paissent les animaux, les lieux de coupe forestière, les étangs où poussent les baies…et bien entendu les animaux que l’on chasse. La peur de l’ours serait-elle donc présente uniquement dans le discours aux étrangers ?
Je ne pense pas. C'est une frayeur justifiée, mais dont chacun fait fi car la forêt est l'espace nourricier de base. Et chacun trouve un juste mot pour reconnaître le danger : "je suis vieille, j'ai fait mon temps, l'ours peut me prendre..."
Si le chasseur tire sur l'ours, le rate ou ne fait que le blesser, il doit s'attendre à ce que la bête attende son heure pour se venger, tapie à l'affut près du village, observant son ancien ennemi, future victime.
Ainsi en Altaï, on prend mesure du danger qu'il y a à côtoyer un espace sauvage, mais on ne peut faire autrement que d'y être quotidiennement plongé. Le risque est inhérent à la vie, le paradoxe de l'ours ne naît que dans l'imagination de ceux qui pensent naïvement le village et la forêt comme deux entités sans aucun lien l'une avec l'autre. Raté !

3 commentaires:

  1. on veut des photos de forets paradoxales ! et de la galante compagnie aussi... En tout cas ton récit sent toujours autant le dépaysement total et c'est bon de nous le faire partager, ça donnerait presque envie de te rejoindre cueillir des baies avec tes copines babouchkas...

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  2. Groar.

    Dis voir, ça commence vraiment à ressembler à du journalisme...

    Bonne continuation & hugz

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  3. tu nous envois ttous ce que tu peux! a+

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