vendredi 25 février 2011

Ortolyk

J’ai quitté Gorno-Altaïsk à toute vitesse le vendredi 4 février lorsque j’ai appris qu’à Kosh-Agash se déroulerait sous peu la cérémonie annuelle de Tchaga-Baïram sous la direction d’une chamane. Parti en taxi en fin d’après-midi, je suis arrivé à Ortolyk, petit village situé à une dizaine de kilomètres du chef-lieu de district tard dans la nuit. Hébergé chez la famille d’une collègue amie, très excité en attente de la cérémonie du surlendemain matin, je m’endors avec difficulté. Dans ce petit village habitent un barde renommé, Oïrot Otoukov, ainsi qu’un jeune chamane récemment entré en fonction. Le lendemain matin, le chef de famille me fait donc faire la tournée de ces neme biler kiji, en altaïen les « personnes qui savent quelque chose », des gens qui possèdent un savoir que les gens simples ne peuvent aborder. La visite chez le barde est furtive, il ne veut pas me parler. Affligé d’un défaut d’élocution, il se montre timide et préfère discuter avec moi en présence d’un autre chanteur réputé, Eles Tadikin. Toutefois, il ne dédaigne pas me montrer son talent de musicien et c’est alors toute la magie de l’Altaï qui s’ouvre à mes oreilles ! Sa timidité et sa mauvaise prononciation disparaissent et laissent place à une présence envoutante, à une voix grave et profonde, à des vers lourds de sens et d’émotion.
Après cet intermède musical, nous prenons congé et la direction de chez le chamane. Courtoisement reçus dans la plus pure tradition altaïenne, notre hôte ne daigne cependant s’adresser qu’à son concitoyen, et de surplus uniquement en altaïen. Je resterai ainsi en dehors de toute la discussion ! Quand je vous disais que les chamanes étaient des personnes atypiques…

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